Pacte vert européen : une « Stratégie de la ferme à la fourchette » riche en propositions d’étiquetage

Première page d'un rapport officiel
European Commission
Farm to Fork strategy
for a fair healthy, and environmentally-friendly food system
fond vert, motifs végétaux
La stratégie de la ferme à la fourchette a été présentée en mai 2020.
Elle pose les grandes lignes de l’action de l’exécutif européen en matière agro-alimentaire pour les quatre ans à venir.

La stratégie de la ferme à la fourchette: déclinaison du Pacte vert au secteur l’agro-alimentaire

Le 11 décembre 2019, Ursula von der Leyen, présidente de la nouvelle Commission européenne a présenté le « Pacte Vert pour l’Europe ». Ce Pacte établit les grandes lignes de l’action politique européenne en matière de développement durable pour les cinq ans à venir, avec pour ambition première de faire de l’Europe le premier continent neutre pour le climat d’ici à 2050. Les orientations fixées par le Pacte Vert concernent tous les secteurs économiques: l’énergie, le bâtiment, l’industrie, la biodiversité, la mobilité, et pour ce qui nous intéresse; l’agriculture et l’alimentation.

La révision des textes de lois sur le bien-être animal

Le 20 mai 2020, la Commission européenne, a ainsi présenté la stratégie de la ferme à la fourchette, un document de 24 pages présentant en détails les mesures de l’action publique européenne en matière agro-alimentaire. Il faut d’emblée retenir l’annonce de la révision de la législation européenne relative au bien-être des animaux « y compris pendant le transport et lors de l’abattage » (p.9) et pour laquelle la Commission européenne a d’ores et déjà publié la feuille de route et ouvert la consultation publique. Attendue de tous, cette annonce précède plusieurs déclarations dans ce sens de la part des Commissaires européens Janusz Wojciechowski (agriculture) et Stella Kyriakides (santé) dès décembre 2019.

Il est désormais certain que la Direction générale de la Santé – l’administration au sein de la Commission européenne responsable en matière de bien-être animal – compte modifier les règlements 1/2005 (dit « transport) et 1099/2009 (dit « abattage »). La révision se fera notamment dans l’optique de la promotion des circuits courts, qui ont prouvé leur résilience durant cette crise sanitaire de la Covid-19. On peut donc à ce titre s’attendre à un durcissement des la réglementation des transports d’animaux vivants sur longue distance ainsi qu’un éclaircissement du cadre juridique de l’abattage à la ferme.

En revanche, la question de savoir si la révision concernera les autres directives relatives au bien-être animal (directive horizontale concernant l’ensemble des animaux d’élevage, et les directives sectorielles concernant les poules pondeuses, les veaux, les porcs, et les poulets de chair) sera déterminée dans un second temps, après la consultation publique qui se clôturera en septembre 2020.

L’information au consommateur au cœur des politiques publiques en matière d’alimentation

Un label « bien-être animal » européen

Autre annonce majeure sur le front du bien-être des animaux en élevage: la possibilité « d’un étiquetage relatif au bien-être des animaux afin de mieux sensibiliser toute la filière alimentaire à sa valeur. »

La stratégie de la ferme à fourchette donne ainsi un nouveau souffle à la question de la labellisation du bien-être animal au niveau européen. Dans un rapport de 2009, la Commission européenne avait déjà envisagé la création d’un label européen sur le bien-être animal sur le modèle des signes de qualité européen (au premier desquels le logo « Biologique ») au vu de la demande des consommateurs pour un tel label, et de sa faisabilité en droit comme en pratique.

Plus récemment, la nécessaire amélioration de l’information au consommateur en matière de bien-être animal par la création d’un label européen a été évoqué au moins deux fois depuis le début du mandat de la nouvelle Commission. Une première fois lors de la clôture de la Présidence finlandaise du Conseil européen en décembre 2019, lorsque les différents Etats membres ont approuvé la création d’un label bien-être animal européen (83% des attachés vétérinaires interrogés), 39% d’entre eux souhaitant un étiquetage obligatoire informant sur le niveau de bien-être animal.

L’Allemagne est le pays européen qui compte le plus de labels
informant les consommateurs sur le bien-être animal

Toujours au sein du Conseil européen, l’Allemagne a présenté sa proposition de création d’un label bien-être animal européen lors du Conseil Agriculture et Pêche de janvier 2020. Cette proposition a été bien accueillie par le reste des Etats membres, à la stricte condition d’en faire un label volontaire seulement, et non un étiquetage. Portée par la ministre fédérale de l’agriculture allemande, Julia Klöckner, cette proposition de label reprend la création d’un label multi-niveau public allemand, critiqué par les associations allemandes de protection animale en raison du manque d’ambition des critères.

On peut en tout cas s’attendre à des progrès rapide sur ce dossier dans les mois à venir. L’Allemagne assurera dès le 1er juillet la présidence tournante du Conseil européen et la ministre Klöckner a déjà annoncé vouloir faire de la labellisation du bien-être animal un sujet central de la présidence allemande. De son côté déjà, la Plateforme sur le bien-être animal animée par la DG Santé a annoncé la création d’un sous-groupe de travail sur le thème de la labellisation du bien-être animal.

… au détriment d’un étiquetage des méthodes de production

Au vu du choix déjà ancien de la Commission européenne, de la récente proposition allemande, et du choix de confier de dossier à la DG Sante, qui n’a pas la compétence d’imposer un étiquetage sur l’ensemble des produits agricoles, la création d’un label bien-être animal, plutôt qu’un étiquetage des produits, semble désormais actée.

La stratégie de ferme à la fourchette semble par ailleurs aggraver l’isolement de la question du bien-être animal au sein de la DG Sante en ne prévoyant pas de revoir les normes de commercialisation des produits d’origine animale dans le sens d’une généralisation de l’étiquetage des méthodes de production (p. 14–15) comme cela existe déjà depuis 2008 pour les œufs coquilles. L’adoption de la Directive sectorielle sur les poulets de chairs (2007/43/CE) ouvrait pourtant la porte à une extension de cet étiquetage à la viande de volaille (Article 5).

L’Etiquette bien-être animal est une initiative de quatre associations: Compassion in World Farming France, La Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences, l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir, et Welfarm.

En outre, différentes récentes initiatives ont pu démontrer l’intérêt des consommateurs pour ce type d’étiquetage, ainsi que l’appétence des filières à s’engager à délivrer une information plus objective que le niveau de bien-être animal. Parmi ces initiatives, on pense à l’amendement déposé par la Députée Typhanie Degois (LREM) lors de l’adoption de la loi EGALIM en 2019, proposant d’étendre l’étiquetage de la méthode de production aux ovo-produits. Plus récemment encore, l’Etiquette bien-être animal, qui fédère des acteurs de la société civile, des producteurs et des distributeurs, a récemment évolué en février pour inclure un module indiquant la méthode de production pour la viande de volaille.

Le choix de ne pas étendre l’étiquetage de la méthode de production est regrettable au vu du rôle majeur qu’a pu jouer ce type d’étiquetage dans la transition vers des méthodes respectueuses de l’animal dans la filière ponte. Ainsi, depuis l’instauration de l’étiquetage obligatoire par code sur les œufs coquilles vendus sur le marché unique, on a pu observé une augmentation significative du nombre de poules pondeuses élevées en systèmes alternatifs à l’élevage en cage. Cette évolution favorable au bien-être animal résulte sans doute des choix de consommateurs d’éviter les œufs produits en batterie, et davantage encore des nombreux engagements volontaires des distributeurs de ne plus se fournir en œufs issus de l’élevage en cages. Pour finir, cet étiquetage a par ailleurs l’avantage non négligeable d’être conforme aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce sur les mesures techniques.

Une obligation d’étiquetage nutritionnel et durable?

logo nutri score A à E, de vert foncé à rouge foncé
Le Nutri-Score est un étiquetage volontaire crée à l’initiative du gouvernement français en 2016.

La Commission européenne envisage en outre dans sa stratégie de la ferme à fourchette l’adoption d’un « un étiquetage nutritionnel obligatoire harmonisé sur la face avant des emballages [afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires éclairés, sains et durables] » (p. 15). La Commission européenne étudiera sans doute l’intégration du Nutri-Score dans la réglementation, étiquetage nutritionnel recommandé par une poignée d’Etats Membres et déjà très largement adopté par les distributeurs et bons nombres de transformateurs.

Enfin, la Commission européenne annonce vouloir explorer l’option d’un étiquetage « des performances en matière de durabilité des produits alimentaires » dans le cadre d’un nouveau paquet législatif pour un système alimentaire durable. Si cette proposition demeure encore très vague, il est notoire que cet étiquetage vise à informer les consommateurs sur « les aspects nutritionnels, climatiques, environnementaux et sociaux des produits alimentaires » des denrée alimentaires, à l’exclusion… du bien-être animal. La preuve s’il en fallait une autre, que les politiques publiques européennes en matière agro-alimentaires semble exclure la question du bien-être animal des enjeux du développement durable.

Alice Di Concetto & Ophélie Blanquet

Un pacte vert européen riche en propositions d’étiquetage